Thierry Pécout,
In Memoriam, Noël Coulet (1932-2023)
Texte intégral
1Il y a un an, nous quittait dans sa quatre-vingt-onzième année Noël Coulet, professeur d’Histoire du Moyen Âge à l’Université d’Aix-Marseille. Il y conduisit toute sa carrière à compter de 1960. Alors jeune agrégé, il publia son premier article en 1956 et sa thèse d’État, soutenue en 1979, en 1988 (Aix-en-Provence, espace et relations d’une capitale, milieu xive s.-milieu xve s.). Élève de Georges Duby, auquel il conserva toute sa vie de chercheur une profonde fidélité intellectuelle, et de Robert Mandrou, proche de Maurice Agulhon, Jacques Le Goff, Michel Vovelle, pour ne citer qu’eux, il s’inscrivit dans la filiation de l’école des Annales. Il prit la direction en 1970 du laboratoire que son maître avait créé, le Centre d’études des sociétés méditerranéennes. Très attaché à la Fédération historique de Provence et à sa revue Provence historique, qu’il dirigea pendant des décennies, il conféra à cette dernière une reconnaissance internationale. Sa publication, qui l’avait déjà honoré d’un volume en 1999 à son départ à la retraite, lui rendra d’ailleurs hommage en deux livraisons, en 2024 et en 2025, après les articles que lui consacrèrent Régis Bertrand et Jean-Paul Boyer dès 2023. Spécialiste d’histoire économique et sociale, d’histoire urbaine, puis d’histoire de l’Église, d’histoire du judaïsme de Provence, d’histoire rurale et des techniques, des rituels politiques, Noël Coulet se renouvela sans cesse. Du savant, il avait la modestie, l’exigence du travail, l’attachement aux sources. Il fit œuvre d’historien jusqu’à sa dernière heure. Chacun et chacune garde en mémoire sa bienveillance et son humanité, l’éthique du chercheur qui l’animait, mais aussi son humour corrosif, redoutable aux fausses gloires. Il fut un pionnier pour l’histoire de l’habitat et des paysages, des migrations, des sociabilités, pour l’ethnologie historique, l’historiographie. Il entretint de nombreuses collaborations internationales, notamment en Italie et outre-Atlantique. Il fut également l’un des découvreurs des sources notariés, des registres de délibérations communales, des cadastres, des visites pastorales, son érudition le portait à mobiliser jusqu’aux documents des Temps modernes. Il s’ouvrit à l’archéologie et suivit de près les fouilles menées à Aix-en-Provence. La liste de ses publications, plus de 250, touche à nombre de champs du savoir historique. Il fut l’un des principaux artisans du développement des études angevines, dès le colloque tenu à Rome en 1995 qui marqua l’historiographie et lança à sa suite coopérations internationales et rencontres régulières. Noël Coulet forma plusieurs générations de chercheurs et chercheuses, qui œuvrent depuis tant en France qu’au Canada où ses disciples développèrent à leur tour les études sur la Provence médiévale et où il fit quatre séjours comme professeur invité, à Université Laval de Québec et à l’Université du Québec à Montréal. Il participa à presque tous les colloques portant sur les deux maisons d’Anjou, depuis 1995 jusqu’en 2010. Parmi les premiers, il soutint la fondation de la revue Mémoire des princes angevins. À Angers, à compter des manifestations qui entourèrent l’anniversaire du décès du roi René d’Anjou, il noua des liens avec Françoise Robin et Noël-Yves Tonnerre, puis avec Jean-Michel Matz, avec lequel il dirigea les actes du colloque de 1998 sur La noblesse dans les territoires angevins et travailla à la réédition du Journal de Jean Le Fèvre, parue en 2020. Il laisse un bien grand vide, tant il aura constitué pendant longtemps une référence, un recours et un modèle.