Laurent Hablot,
Hommage en l’honneur de Christian de Mérindol
Texte intégral
1Christian de Mérindol nous a quitté le 24 septembre dernier au terme d’un longue vie de chercheur passionné, animé jusqu’à ses derniers jours par l’ardent désir d’apprendre, de comprendre et de transmettre.
2L’auteur du Roi René (1987) est d’abord connu comme le panégyriste et le PER NON PER (« pair sans pareil ») du grand prince angevin qu’il aura tant contribué à mettre en lumière à travers l’étude de ses emblèmes, de ses commandes artistiques de toutes natures et des monuments phares de son règne tels que les châteaux d’Angers et de Tarascon, le tombeau de la cathédrale d’Angers, Le Cœur d’Amour espris ou encore ses célèbres Heures. Mais aux côtés du roi René, Jacques Cœur, Jeanne d’Arc, Charles VII et Agnès Sorel, saint Michel, sainte Radegonde et quelques autres se disputeront souvent la première place dans le cœur d’historien de Christian de Mérindol et susciteront eux-aussi d’importantes recherches et publications.
3Car Christian de Mérindol, homme d’une immense culture et d’une curiosité insatiable, est aussi un auteur prolifique dont la bibliographie compte une dizaine d’ouvrages, plus de 200 articles publiés et de nombreux travaux inédits. Cette œuvre scientifique a notamment, parmi de nombreux mérites, celui d’avoir véritablement ouvert ou redécouvert des sujets délaissés parmi lesquels il faut citer bien sûr ses études sur les cimiers, les devises, la représentation du pouvoir, la symbolique des nombres, les ordres de chevalerie, les hérauts d’armes ou les joutes et pas d’armes. Sur chacun de ces sujets, ses stimulants travaux ont souvent été le point de départ de recherches ultérieures autant que la manne dont se sont nourri des générations de jeunes chercheurs.
4Mais Christian de Mérindol reste, avant toutes choses, l’un des pères fondateurs de l’héraldique monumentale. Conservateur au Musée des Monuments français, il a consacré une partie essentielle de ses recherches à la collecte et à l’analyse des décors héraldiques, passion née en partie lors de ce voyage de jeunesse en Angleterre, sac au dos, et qui l’aura beaucoup marqué. Nourrie de ses travaux aux Monuments français, de ses enquêtes dans les pas du roi René en Anjou et en Provence mais aussi de ses pérégrinations en Bretagne, en Bourgogne, en Lorraine et dans tant d’autres lieux, cette collecte d’armoiries exposées sur les murs, les vitraux, les plafonds et les pavements l’a conduit à définir une précieuse méthode d’observation et d’interprétation. Celle-ci souligne l’importance de ces éléments négligés dans la datation des monuments et la part essentielle qu’ils occupent dans l’analyse de l’archéologie du bâti, de la distribution des espaces, de leur hiérarchisation et des circulations qui les ordonnent. Cette somme de connaissances, rassemblée dans les deux tomes de La maison des chevaliers de Pont-Saint-Esprit (2000-2001) puis dans la magistrale synthèse Images du Royaume de France (2013) constitue le socle des travaux actuels sur le sujet, notamment ceux conduits dans le cadre du Centre de recherches sur les plafonds peints médiévaux (RCPPM, http://rcppm.org/blog/) et de la base Armma (Armorial monumental du Moyen Âge, http://base-armma.edel.univ-poitiers.fr/).
5Ce savant enthousiaste et attentif, d’une délicate courtoisie, notamment à l’égard des jeunes chercheurs, révélait parfois, au détour d’un échange, l’élégant homme du monde, le catholique assumé et animé d’espérance ou encore l’infatigable globe-trotteur, familiarisé très jeune avec les voyages par les aléas des garnisons paternelles depuis son enfance en Syrie et son adolescence dans l’Allemagne de l’immédiat après-guerre et toujours prêt à courir l’Europe pour de nouvelles découvertes.
6La dette et surtout la reconnaissance de nombreux chercheurs à l’égard de l’homme et de ses travaux sont immenses et les chantiers à poursuivre nombreux. Merci Christian.