> Résumés de thèses

Marion Chaigne-Legouy,

Femmes au « cœur d’homme » ou pouvoir au féminin ? Les duchesses de la seconde Maison d’Anjou (1360-1481)
Résumé de la thèse de l’auteure soutenue le 8 décembre 2014

Notes de la rédaction go_to_top

Sous la direction de Élisabeth Crouzet-Pavan

Texte intégral go_to_top

1La présente thèse de doctorat trouve son origine dans la singularité de l’histoire de la seconde Maison d’Anjou (1360-1481), qui se caractérise, à chaque génération, par des temps de rupture au cours desquels les femmes se trouvent en charge de la conduite de l’État, et revêtent tour à tour les fonctions de régente, lieutenante ou vice-régente. Cette dynastie princière française offre un terrain d’observation privilégié pour décrire et expliquer un phénomène en cours d’élaboration juridique et pratique à la fin du Moyen Âge, celui de l’exercice du pouvoir politique par des souveraines qui n’auraient pas dû gouverner. Les accidents qui affectent les successions, la structure centrifuge de la principauté angevine, éclatée entre l’Anjou, la Provence, la Lorraine et Naples, objet de tentatives répétées de conquête et d’occupation, ainsi que les absences prolongées des ducs, contribuent à expliquer le rôle majeur des princesses à la tête de la principauté. Il s’agit donc d’un pouvoir féminin inscrit sur une longue durée, qui se répète et qui couvre des périodes conséquentes de l’histoire angevine, au point de constituer un hapax dans celle des principautés de la fin du Moyen Âge.

2L’étude est aussi l’occasion de faire sortir de l’ombre des personnalités oubliées ou, pour les mieux connues, encore largement énigmatiques : l’épouse de Louis Ier d’Anjou, Marie de Blois († 1404), l’épouse de Louis II d’Anjou, Yolande d’Aragon ( † 1444), enfin les deux épouses de René d’Anjou – Isabelle de Lorraine († 1453) et Jeanne de Laval († 1498), auxquelles il faut ajouter l’évanescente Marguerite de Savoie († 1479), l’épouse de Louis III d’Anjou, qui ne joue pas de rôle politique officiel, mais dont l’évocation, à l’instar de celle de ses aïeules, permet de comprendre les fondements de l’autorité des princesses. La thèse ne propose pas une compilation artificielle des biographiques de ces dernières. Tout en pointant les spécificités de la conduite de l’État ou de la personnalité de certaines, elle met en lumière les traits communs de l’action politique et des représentations des duchesses afin de cerner la nature de leur rôle public. Il s’agit de s’interroger sur les dimensions spécifiques de leur pouvoir, afin de vérifier si elles n’exercent qu’un pouvoir momentané suppléant celui de leur époux, et dans ce cadre, façonnent leur autorité comme des hommes, comme des femmes au « cœur d’homme », ou bien si elles développent un pouvoir au féminin, pourvu de caractéristiques n’appartenant qu’à celui-ci.

3Le travail éclaire ainsi l’articulation entre l’encadrement juridique, didactique, mental et social dans lequel évoluent les femmes, l’exercice de leur pouvoir, et les tendances générales qui affectent un gouvernement princier dont les dirigeants, génération après génération, s’accoutument à un pouvoir féminin qu’ils contribuent en retour à forger. L’approche diachronique permet également de scruter les conséquences des pesanteurs structurelles et des innovations institutionnelles qui modifient imperceptiblement, et non sans conséquences, le fonctionnement quotidien de la principauté de la seconde Maison d’Anjou entre la fin du XIVe siècle et la fin du XVe siècle.

4L’enquête se situe à la croisée de plusieurs courants historiographiques : l’histoire politique, en intégrant le renouvellement de la recherche à propos des structures institutionnelles, économiques et sociales des États princiers ; l’histoire des femmes et du genre ; enfin l’histoire des mentalités, lorsqu’il s’est agi d’analyser les relations sociopolitiques nouées par les duchesses d’Anjou après leur arrivée au pouvoir. Elle est menée sur un temps relativement long, plus d’un siècle traversé par des troubles multiples – Guerre de Cent ans, Grand Schisme, crise conciliaire – et à travers l’étude privilégiée des actes de la pratique, pour une bonne part inédits ou peu exploités. Le corpus sur lequel s’appuie l’analyse est toutefois diversifié autant que faire se peut, afin de ne laisser dans l’ombre aucun des thèmes qui permettraient d’enrichir notre compréhension de l’action politique, mais encore administrative et sociale, des princesses. Par leur singularité, ces dernières offrent en groupe un observatoire privilégié pour comprendre le fonctionnement de la « conscience de genre ». Des investigations ont donc été menées à partir des comptabilités, des procès-verbaux des assemblées provinciales et des mémoriaux des chambres des comptes des différents pays sous domination angevines. Elles ont aussi particulièrement concerné le riche journal de Jean Le Fèvre, chancelier de Marie de Blois, qui a laissé un manuscrit hybride, à la fois mémorial de chancellerie et narration au jour le jour de ses missions professionnelles, les bribes de l’épistolaire politique retrouvées, et elles ont conduit à l’élaboration d’un répertoire sigillographique et diplomatique. Les rares chroniques évoquant les duchesses d’Anjou et les images peu nombreuses qui les représentent n’ont pas été oubliées.

5Le propos est structuré en six chapitres répartis en deux parties. Il est appuyé d’un volume d’annexes composé de schémas généalogiques, d’un dossier de textes édités, de cartes inédites figurant l’évolution des territoires angevins et des seigneuries féminines qui leur sont associées, de tableaux prosopographiques consacrés aux conseillers et aux officiers et, enfin, d’un recueil iconographique (portraits et sceaux).

6La première partie du texte porte sur les fondements de l’autorité des duchesses de la seconde Maison d’Anjou. Le premier chapitre s’intéresse à l’entrée des princesses dans cette lignée, opérée par la voie de l’alliance matrimoniale. Il est l’occasion de proposer une vision d’ensemble de l’histoire de cette dynastie, en intégrant les renouvellements historiographiques opérés autour des principautés de la fin du Moyen Âge, et de préciser le positionnement de notre propre recherche. Le second temps de l’exposé, dans une perspective à la fois anthropologique et juridique, s’attache à la nature des unions contractées par la dynastie, avant de mettre au jour la variété des transferts patrimoniaux qui leur sont associés. Les négociations et la conclusion des mariages obéissent à des règles en définitive moins rigides que les principes théoriques ne le laissent à penser. On voit ainsi Yolande d’Aragon protester contre ses fiançailles avec Louis II, usant du défaut de consentement comme d’une arme pour les remettre en question. Les princesses sont choisies pour intégrer la seconde Maison d’Anjou en fonction de l’orientation des projets politiques des ducs et de l’évolution du poids sociopolitique de ces derniers sur l’échiquier monarchique. Une fois devenues duchesses douairières, elles influent à leur tour sur la qualité des alliances conclues pour leurs enfants. Il est remarquable que presque toutes aient été privées du soutien de leurs familles de sang, frappées d’extinction biologique ou d’anéantissement politique, ce qui les a incitées à embrasser avec une vigueur renouvelée l’honneur de leur famille d’alliance. Le déclin de la qualité des unions matrimoniales à la fin de la période est significatif du reflux des prétentions italiennes et du recentrage des Angevins sur leurs possessions de « par-deçà », marquant leur affaiblissement sur la scène européenne. La hiérarchie des alliances permet également d’estimer la force sociale du mariage, renforcée par les échanges territoriaux ou monétaires qui le scellent, et, par ricochet, d’éclairer la puissance personnelle des souveraines.

7Le deuxième chapitre se concentre sur les statuts qui déterminent l’auctoritas des duchesses d’Anjou en temps de gouvernement ordinaire, à savoir leur rôle d’épouse, de mère, mais aussi de domina, disposant de leur Hôtel et détenant des seigneuries territoriales en leur nom propre. Elles expérimentent à cette occasion une forme de potestas, se familiarisant avec les pratiques administratives et gestionnaires, ainsi qu’avec l’usage de la contrainte et d’une puissance de commandement avant même d’endosser un pouvoir politique officiel. Les princesses occupent dans le couple princier une place singulière, placée sous le sceau de la puissance maritale, et remplissent le rôle social attendu d’elles, notamment en matière de piété ou de transmission. Elles apparaissent aussi comme des éléments privilégiés de la négociation politique, qu’il s’agisse de leur rôle en matière diplomatique ou du recours à leurs services d’intercesseur. Leur proximité avec le pouvoir et le fait qu’elles n’exercent pas de coercition en font des médiatrices de choix, un véritable « corps intermédiaire » entre le souverain et les sujets, qui renforce la pratique du clientélisme ordinaire. On note, entre les générations, une consolidation de la complicité qui lie maris et femmes dans le couple, visible dans l’enrichissement des biens paraphernaux des secondes par les premiers ou dans l’assistance des princesses au conseil ducal. À la fin de la période, la communication visuelle de René d’Anjou, inspirée du modèle de la « royauté double » inspirée des Valois, apparaît comme le point d’orgue de ce processus. La conjugalité ordinaire constitue donc pour les princesses une expérience pratique de la domination, une propédeutique à l’exercice officiel d’un pouvoir politique qui ne leur est conféré qu’au cours de circonstances exceptionnelles et selon des modalités juridiques spécifiques, lesquelles constituent l’objet du point suivant.

8Le troisième chapitre est consacré à la construction juridique et institutionnelle du pouvoir féminin. L’absence des ducs est une condition nécessaire mais non suffisante pour que leurs épouses ou leurs mères endossent un rôle politique formel. Il a également fallu une volonté politique délibérée de la part des princes, matérialisée dans les actes de délégation de pouvoir qui donnent naissance aux lieutenances et aux régences féminines. Au croisement des héritages du droit romain et du droit féodal, l’installation des duchesses d’Anjou à la tête du gouvernement princier est aussi un choix de confiance, porté par la fides conjugale et l’amour maternel, qui s’accroît, génération après génération, par l’expérimentation d’un pouvoir féminin qui sort renforcé à chacune de ses démonstrations. On note la liberté exponentielle accordée aux femmes, comme l’illustre la disparition du conseil de régence imposé dès la première génération. Ces dernières constituent l’atout d’une dynastie princière aux prises avec des difficultés structurelles, engoncée dans ses ambitions de conquête napolitaine, et marquée par une succession de minorités. La démonstration, fondée sur une étude précise des actes juridiques, tend à établir que la seconde Maison d’Anjou construisit un véritable « modèle de gouvernance féminine » qui put servir d’exemple aux autres dynasties princières, en rupture avec le modèle traditionnel de l’histoire des femmes qui conclut à une exclusion des femmes du domaine politique à la fin du Moyen Âge. Toutefois, la mutation ne va jamais jusqu’à l’octroi de la souveraineté aux femmes, dont l’action publique reste en marge de la capacité à régner. En témoigne l’absence de couronnement des princesses. Afin d’affermir une légitimité fragile, ces dernières ont mis en place un répertoire sigillographique et diplomatique exaltant leur majesté, au nom de laquelle elles prennent la tête de l’État angevin.

9La seconde partie de la thèse est dédiée à l’exercice du pouvoir par les duchesses d’Anjou et aux instruments dont elles usent afin de réaliser les buts de leur gouvernement, au premier rang desquels se trouvent les entreprises militaires destinées à accroître les territoires de la principauté, notamment en direction de Naples. En effet, l’adoption de Louis Ier d’Anjou par la reine Jeanne Ire en 1380 ancre durablement les ambitions italiennes dans les stratégies diplomatiques, militaires et financières des Angevins qui, de princes, estiment être devenus rois.

10Le quatrième chapitre examine la gestion par les princesses du capital financier et domanial de la dynastie, avant tout destiné à financer les guerres menées outre-monts. L’énergie de ces dernières est tout entière consacrée à cet objectif, se traduisant par une politique artistique féminine très en retrait par rapport à celle des princes, davantage soucieux d’exalter leur magnificence, même en période de disette monétaire. Les duchesses d’Anjou participent pleinement à la construction de la trésorerie angevine et au renforcement de la fiscalité, se servant des emprunts et de la gestion domaniale comme d’une variable d’ajustement financier. Les subsides dépendent essentiellement des négociations menées avec les États de Provence. Ce modèle pénètre dans le duché de Lorraine suite au mariage de son héritière avec René d’Anjou, par la création des premiers États de Lorraine, dont il obtient une aide supplémentaire pour conquérir le royaume de Sicile. Les duchesses suivent l’exemple et adoptent les mêmes expédients que leurs homologues masculins, même si elles connaissent pour la plupart la tentation d’une gestion domestique des finances princières lors de leur arrivée au pouvoir. Leur crédibilité n’est pas moins forte que celle des ducs, comme en témoigne l’importance de leurs emprunts ou de leurs aliénations domaniales, mais, non plus que leurs époux, elles ne prennent la mesure de l’importance du commerce et des possibilités « capitalistes » s’ouvrant à elles et qui ont, au contraire, fait le succès de leur adversaire aragonais dans la lutte pour Naples. Les recettes de financement demeurent pour une bonne part empirique et reposent en premier lieu sur les capacités de négociation ou de prêt de leurs conseillers. Le capital financier est donc en partie dépendant du « capital humain » des souveraines, vers lequel l’enquête se tourne.

11Le cinquième chapitre souligne la dialectique entre permanence et mutation à partir de laquelle se compose et se recompose l’entourage des duchesses d’Anjou. Nous détaillons le profil sociologique des conseillers et des officiers, et présentons les résultats de l’enquête prosopographique menée à leur propos sous forme de graphiques thématiques. Cette approche quantitative est complétée par des études de cas qui envisagent le cursus honorum de certains fidèles ou les chevauchements de compétence engendrés par la complexité d’un État composite, soulignant en définitive l’impact des princesses sur les créations ou suppressions des offices, donc sur l’évolution institutionnelle de la principauté. Les traditions politiques venues du milieu familial d’origine des duchesses influencent alors nettement leurs choix ; ceci est particulièrement frappant dans le cas de Yolande d’Aragon, qui a intègre les règles du pactisme aragonais à sa pratique politique. Un second temps est consacré à l’art des princesses de gouverner par conseil. Le profil des serviteurs privilégiés, les serments spécifiques qu’ils prêtent et les missions qui en sont attendues sont étudiés. Émergent alors des dynasties de serviteurs dont l’ascension sociopolitique s’achève au conseil du roi de France. L’analyse s’appuie pour une grande part sur l’étude du journal de Jean le Fèvre, chancelier de Marie de Blois qui, de 1382 à 1388, fait pénétrer le lecteur dans les arcanes du pouvoir angevin. La régente y apparaît comme l’arbitre du conseil, dont les membres, s’ils tentent de l’influencer, demeurent soumis à ses sentences. Lorsque les barons napolitains ralliés aux Angevins émigrent auprès d’elle, Marie de Blois est confrontée à de nouvelles pressions politiques et à de nouveaux codes de communication, marqués d’un côté par l’éloquence civile des Italiens et, de l’autre, par l’arrogance d’aristocrates rompus à la conflictualité spécifique du Mezzogiorno. Si les Napolitains sont des conseillers entrés au conseil par la nécessité, les duchesses d’Anjou choisissent et modèlent largement leur propre entourage. Mais dans le cadre des lieutenances ou des vices-régences, qui voient cohabiter le pouvoir des femmes avec celui des hommes, les conseillers sont aussi un enjeu de domination ; ainsi en témoigne l’éviction des fidèles de Yolande d’Aragon imposée par Louis III, qui entend ainsi réaffirmer la primauté de sa position et de sa souveraineté face aux pouvoirs élargis dont il avait doté sa mère, usant d’une clause spécifique pour déroger aux restrictions que la coutumes imposent au sexe féminin (chapitre 3).

12Le sixième et dernier chapitre s’attache à confronter le paradigme, la réalité et les dynamiques de la pratique gouvernementale des princesses, en mettant à jour la manière dont celles-ci projettent leur légitimité face aux puissances étrangères et dont elles reconfigurent les rapports sociaux, politiques ou institutionnels des différentes régions de la principauté angevine. L’approche est fondée sur une pragmatique de l’action politique. On l’observe en premier lieu à travers les conquêtes territoriales des duchesses et les vecteurs par lesquels elles imposent leur légitimité précaire dans les localités nouvellement soumises à la domination angevine. Les duchesses font alors l’expérience des restrictions morales ou mentales attachées à leur genre. L’impossibilité de mener les troupes sur le champ de bataille, donc d’apparaître en monarque victorieuse, fragilise leur gouvernement. La simple instauration de ce dernier attire les convoitises des voisins, contre lesquelles les souveraines doivent lutter. Pourtant, c’est sous leur mandat que la principauté s’est agrandie. René d’Anjou célèbre ainsi le « cœur d’homme » d’Isabelle de Lorraine pour la résistance qu’elle a menée à Naples contre Alphonse V d’Aragon. Cette princesse fut contrainte d’y user tous les ressorts du cérémonial monarchique et du patronage religieux pour exalter sa majesté. Le suremploi des rituels politiques apparaît alors comme un instrument pour surmonter les périodes de faiblesse de la domination féminine. Dans leur propre principauté, les princesses matérialisent leur majesté dans l’exercice d’un pouvoir qui opère en interrelation avec les autres corps politiques. Trois dynamiques de l’action politique se dégagent : l’exécution, particulièrement importante lors des périodes de lieutenance pour réaliser les ordres des ducs, la législation, qui témoigne du statut d’alter ego accordé aux duchesses, bien supérieur à celui de tout autre officier majeur et, enfin, la négociation avec les États de Provence dans le cadre d’un cérémonial politique spécifique. On note, contrairement aux volontés centralisatrices des princes, le respect des usages et des particularismes auxquels les duchesses d’Anjou ne tentent pas de déroger par des innovations constitutionnelles, en lien avec les traditions politiques de leur milieu d’origine. À considérer le gouvernement intérieur de leur État, elles sont presque des princes comme les autres. L’affaire est plus complexe lorsque l’on considère leur place sur l’échiquier européen. La légalité de leur accession au pouvoir est immédiatement reconnue mais, traduisant une période de fragilité politique, elle attise également les convoitises. Faisant leur les ambitions, l’honneur et le profit des princes et de leur Maison, les princesses usent de tous les leviers à leur disposition pour faire valoir leurs droits : ambassades, échanges épistolaires, conclusion de traités politiques et économiques. Autant de moyens mis à leur disposition par les dispositions stipulées dans les actes de délégation de pouvoir dont elles bénéficient.

13L’étude du pouvoir féminin constitue un observatoire décentré qui, par la confrontation d’archives dispersées, enrichit notre connaissance et notre compréhension de la seconde Maison d’Anjou. Elle permet de donner corps à une histoire commune d’espaces traditionnellement étudiés de façon indépendante. Pendant un siècle, les duchesses ont poursuivi avec constance les ambitions des princes et participé au processus de renforcement administratif, institutionnel et fiscal caractéristique des principautés de la fin du Moyen Âge. L’étude a révélé des personnalités d’exception, mais leur confrontation permet surtout de donner sens à un système de pouvoir qui s’est construit, transmis et réactualisé à chaque génération, aboutissant à la formation d’une identité de genre transcendant les liens familiaux. Le choix de Jeanne de Laval d’être inhumée aux côtés de Marie de Blois, avec laquelle elle n’entretenait pas de relation de parenté et qu’elle n’avait pu connaître, en constitue un exemple abouti. Le pouvoir des duchesses d’Anjou, ambivalent, s’édifie dans une tension jamais résolue entre une pratique politique qui, d’un côté, se déploie presque à l’égal de celle des princes, justifiant leur qualité de femmes au « cœur d’homme » et qui, de l’autre, se trouve contrainte par des règles dictées en vertu du genre de leurs détentrices, qui sélectionnent et combinent les manifestations de leurs personae et de leurs différentes appartenances sociales en fonction des représentations ou des attentes de leur public afin d’agir sur celui-ci.



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Marion Chaigne-Legouy, « Femmes au « cœur d’homme » ou pouvoir au féminin ? Les duchesses de la seconde Maison d’Anjou (1360-1481) », Mémoire des princes angevins 2013-2017, 10  | mis en ligne le 29/11/2017  | consulté le 09/12/2024  | URL : https://mpa.univ-st-etienne.fr:443/index.php?id=319.